Viro Major (1)

Ayant vu le massacre immense, le combat,
Le peuple sur sa croix, Paris sur son grabat,
La pitié formidable était dans tes paroles ;
Tu faisais ce que font les grandes âmes folles,
Et lasse de lutter, de rêver, de souffrir,
Tu disais : J'ai tué ! car tu voulais mourir.

Tu mentais contre toi, terrible et surhumaine.
Judith la sombre juive, Arria la romaine,
Eussent battu des mains pendant que tu parlais.
Tu disais aux greniers : J'ai brûlé les palais !
Tu glorifiais ceux qu'on écrase et qu'on foule ;
Tu criais : J'ai tué, qu'on me tue ! Et la foule
Ecoutait cette femme altière s'accuser.
Tu semblais envoyer au sépulcre un baiser ;
Ton œil fixe pesait sur les juges livides,
Et tu songeais, pareille aux graves Euménides.
La pâle mort était debout derrière toi.

Toute la vaste salle était pleine d'effroi,
Car le peuple saignant hait la guerre civile.
Dehors on entendait la rumeur de la ville.

Cette femme écoutait la vie aux bruits confus,
D'en haut, dans l'attitude austère du refus.
Elle n'avait pas l'air de comprendre autre chose
Qu'un pilori dressé pour une apothéose,
Et trouvant l'affront noble et le supplice beau,
Sinistre, elle hâtait le pas vers le tombeau.
Les juges murmuraient : Qu'elle meure. C'est juste.
Elle est infâme. – A moins qu'elle ne soit auguste,
Disait leur conscience ; et les juges pensifs
Devant oui, devant non, comme entre deux récifs,
Hésitaient, regardant la sévère coupable.

Et ceux qui comme moi, te savent incapable
De tout ce qui n'est pas héroïsme et vertu,
Qui savent que si Dieu te disait : D'ou viens tu ?
Tu répondrais : Je viens de la nuit où l'on souffre ;
Dieu, je sors du devoir dont vous faites un gouffre !
Ceux qui savent tes vers mystérieux et doux,
Tes jours, tes nuits, tes soins, tes pleurs, donnés à tous,
Ton oubli de toi-même à secourir les autres,
Ta parole semblable aux flammes des apôtres ;
Ceux qui savent le toit sans feu, sans air, sans pain,
Le lit de sangle avec la table de sapin,
Ta bonté, ta fierté de femme populaire,
L'âpre attendrissement qui dort sous ta colère,
Ton long regard de haine à tous les inhumains,
Et les pieds des enfants réchauffés dans tes mains ;
Ceux-là, femme, devant ta majesté farouche,
Méditaient, et, malgré l'amer pli de ta bouche,
Malgré le maudisseur qui, s'acharnant sur toi,
Te jetait tous les cris indignés de la loi,
Malgré ta voix fatale et haute qui t'accuse,
Voyaient resplendir l'ange à travers la méduse.

Tu fus belle et semblas étrange en ces débats ;
Car, chétifs comme sont les vivants d'ici-bas,
Rien ne les trouble plus que deux âmes mêlées,
Que le divin chaos des choses étoilées
Aperçu tout au fond d'un grand cœur inclément,
Et qu'un rayonnement vu dans un flamboiement.

Victor Hugo, 1871

(1) « Plus que l'homme » ou « Plus grande que l'homme » en latin.

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Sérénade à Louise Michel

Puisque les chroniqueurs, pour distraire leurs maîtres,
Font de l'esprit sur nous au doux bruit des écus ;
Puisque nous égayons les muscadins de lettres ;
Puisqu'on me fait chanter des vers sous les fenêtres,
Dans les journaux bourgeois où l'on rit des vaincus ;
Nous redirons nos deuils, notre espérance austère,
Nous qui sans remords
Regardons la terre
Où dorment les morts !

Le mépris de la plume et l'outrage du glaive
Glissent sur notre orgueil comme une goutte d'eau ;
Nous nous ceignons les reins, dès que l'ombre se lève ;
Et nous sommes de ceux qui, croyant à leur rêve,
Jusqu'au bout du chemin porteront leur fardeau.
Qui donc a supposé que l'on nous ferait taire,
Nous qui sans remords
Regardons la terre
Où dorment les morts ?

Oh ! les bourreaux gantés qui font les bons apôtres !
Les tueurs qui voudraient nous mettre à leur niveau !
Nous n'avions pas livré Metz et Paris, nous autres !
On avait fusillé quatre mille des nôtres,
Quand le sang nous monta brusquement au cerveau.
Et qui saurait le mal que nous aurions pu faire,
Nous qui sans remords
Regardons la terre
Où dorment nos morts ?

Est-ce nous qui, pour coudre un galon à nos manches,
Massacrions les gens sans les avoir jugés ?
Est-ce nous qui, railleurs affamés de revanches,
Avons fait dans les rangs le choix des barbes blanches ?
Est-ce nous qui jetions les blêmes insurgés
A la fosse commune, à l'éternel mystère,
Nous qui sans remords
Regardons la terre
Où dorment les morts ?

Est-ce nous qui disions : « Taisez-vous, tas de gueuses ! »
Aux vierges de seize ans qu'on adossait aux murs ?
Est-ce nous qui faisions grincer les mitrailleuses,
Instruments meurtriers, formidables faucheuses
Qui traitent les vivants comme des épis mûrs ?
Est-ce nous qui trouvions la bombe salutaire,
Nous qui sans remords
Regardons la terre
Où dorment les morts ?

Avons-nous par milliers couché sous la chaux vive
Les vaincus mal tués, encor tout frémissants ?
Avons-nous étouffé leur voix sourde et plaintive ?
Dans le sol gras, devant la nature attentive,
Avons-nous fait pousser vingt poteaux en deux ans ?
Avons-nous au charnier traîné le prolétaire,
Nous qui sans remords
Regardons la terre
Où dorment les morts ?

Les rimeurs t'offriraient leurs ballades nouvelles,
On servirait ta gloire aux naïfs abonnés,
Si tu t'étais trouvée au nombre des femelles
Qui tournaient en riant le bout de leurs ombrelles
Dans les grands yeux sanglants des captifs enchaînés.
Mais qui nous chantera, nous qu'on huait naguère,
Nous qui sans remords
Regardons la terre
Où dorment les morts ?

Qu'importe ? Nous irons devant nous, sans faiblesse,
Pensifs, la tête haute et la main dans la main !
Les siècles nous ont fait une auguste promesse :
Il faudra bien qu'un jour le vieux monde nous laisse
Cueillir tous les fruits d'or de l'idéal humain :
Car nous voulons venger l'amour, tuer la guerre,
Nous qui sans remords
Regardons la terre
Où dorment les morts !

Clovis Hugues, 1882

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La petite muse

ELLE A SOURI !
Le témoignage est authentique,
Demandez à monsieur Ferry :
Pendant qu'on pillait la boutique,
Louise Michel a souri !

Conséquence : six ans de geôle,
Le bon bourgeois, mal aguerri,
Prend des airs penchés de vieux saule
Louise Michel a souri !

L'heure de la débâcle sonne :
Rassurez ce pauvre jury !
Plus de sûreté pour personne :
Louise Michel a souri !

Comment voulez-vous qu'on redore
Le budget, hélas ! appauvri ?
Vainement Tirard nous implore :
Louise Michel a souri !

L'argent a peur, la rente baisse,
Et la confiance a péri.
Tous les caissiers cachent leur caisse :
Louise Michel a souri !

Les vierges de la haute banque
N'osent plus chercher de mari.
Même à Nice l'oranger manque :
Louise Michel a souri !

Qui donc a parlé d'amnistie ?
La Clémence en poussant un cri
Pour un long voyage est partie :
Louise Michel a souri !

Clovis Hugues, 1883

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Louise Michel et le drapeau noir

Au jour fatal où sombra la Commune,
Quand notre sang gonflait le vaste égout,
Aussi vaillante au feu qu'à la tribune,
Devant Versailles elle resta debout.
Proscrite au loin, vers de brûlantes plages,
Elle y sema le germe fraternel.
Les plus cruels ne sont pas les sauvages...
Honneur, honneur à Louise Michel !

Le peuple a faim ! sa misère est profonde.
Le riche pousse au sombre désespoir.
Dans les faubourgs où le chômage gronde,
Les affamés lèvent le Drapeau noir !
A ce signal, sortant de sa retraite,
Et pour briser l'esclavage éternel,
Qui donc accourt et s'élance à leur tête ?
C'est elle encor, c'est Louise Michel.

Bravant la Cour, la Jeanne d'Arc moderne,
Du Capital démasque les suppôts,
Tous ces Vautours d'église et de caserne,
Qui sans pitié nous rongent jusqu'aux os.
De sa cellule, ils ont scellé la pierre...
Elle subit l'isolement mortel ;
Mais par les joints filtre encore la lumière
Qui brille au cœur de Louise Michel.

Les travailleurs conservent la mémoire
Des fiers martyrs qui succombent pour eux.
Ils graveront au fronton de l'Histoire
Son nom si pur, parmi les plus fameux.
Ah ! vienne enfin la suprême bataille,
– Ton dernier jour, possesseur criminel –
Nous abattrons la sinistre muraille
Où tu gémis, ô Louise Michel !

De leurs canons, tu méprises la foudre,
O noir Drapeau qui flottas sur Lyon !
La dynamite a détrôné la poudre...
Ainsi vaincra la Révolution !
Vole au combat, symbole du courage !
Voici venir le moment solennel.
Du prolétaire, abolis le servage :
Sois le vengeur de Louise Michel !

Achille Le Roy, 1885

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Marianne
« Dédié à Louise Michel par un soldat obscur de l'armée révolutionnaire »

Les bourgeois ayant peur nous l'ont enfin rendue.
Celle que nous avons si longtemps attendue
Revient parmi nous. Chapeau bas !
Saluons cette femme acceptant le martyre,
Qui pour tous les tourments eût le même sourire,
Combattit et ne faiblit pas.

Les pontons, les prisons n'ont pu briser son âme.
Les tortures n'ont pas soufflé sur cette flamme
Qui sort du brasier de son cœur,
Les mépris dont on l'a de tout temps abreuvée
N'ont fait que la grandir cette noble opprimée,
Et qu'à raviver son ardeur.

Fière, elle a traversé les ignobles cohues
Le front irradieux !… Les insultes des grues
Et les mots grossiers des soldats
Ne firent point rougir cette figure altière ;
Elle ne baissa pas un instant la paupière ;
La honte ne l'atteignait pas.

Pauvre femme ! Elle allait ainsi vers son calvaire
Sans dégoût, n'éprouvant ni haine ni colère
Pour les lâches qui l'outrageaient,
Mais elle pardonnait à cette tourbe immonde
De catins, de mouchards, cette lèpre profonde ;
A ces gueux qui l'éclaboussaient !

Louise a tout souffert. L'indomptable énergie
Dont elle fut douée en entrant dans la vie
Lui fit supporter tous ses maux ;
Ainsi la voyons-nous, cette femme sublime,
Braver les tribunaux dont elle est la victime
Et mépriser leurs échafauds.

Chapeau bas ! Compagnons armés pour la bataille,
Nous les déshérités, les maudits, la canaille
Ouvrons nos bras à notre sœur,
A cet esprit de flamme, à cet ange-lumière
Qui nous sert de drapeau, nous guide, nous éclaire ;
Fait de nous des soldats sans peur !

Qu'elle retrouve en nous la même foi profonde,
Et cet immense amour avec lequel se fonde
Une nouvelle humanité ;
Cet amour qui détruit et qui revivifie,
Et qui semant la mort répand aussi la vie
Sous un soleil de liberté.

Et puisque la voilà parmi nous revenue,
Puisque sa main vers nous est de nouveau tendue
Et que sa voix a retentit ;
Puisque nous avons tous recueilli ses paroles
Ne nous arrêtons plus à des luttes frivoles
Car ce qu'elle dit est bien dit.

Guerre à la bourgeoisie ! à l'infâme mégère
Qui, chaque jour, de nos sueurs se désaltère
Et s'enrichit de nos travaux ;
Qui nous jette, nu-pied et porteurs de guenilles,
Vagabonds du travail, dans les noires bastilles
Qu'elle convertit en tombaux.

Guerre à ces contempteurs de l'affreux égoïsme,
A ces poussifs, à ces verrats, qui n'ont pour prisme
Qu'une caisse regorgeant d'or ;
A ces rogneurs de pain, à ces voleurs de filles
Portant le déshonneur au sein de nos familles,
Et pour qui la Justice dort !…

Louise nous l'a dit : toujours même rengaine.
Les nouveaux arrivés, loin de rompre la chaîne
Qui nous brise jambes et bras
S'acharnent à la rendre encore plus pesante
Et plus longue à traîner… De plus on nous violente !
Pourquoi n'en finirions nous pas ?

L'Union, a-t-on dit, seule enfante la force.
Eh bien ! si notre chêne a perdu son écorce
Il n'a perdu sa vigueur ;
La sève monte en lui, ses branches sont fleuries ;
Il n'en prête pas moins son ombrage aux prairies,
Comme le ruisseau sa fraîcheur.

Après quinze ans on peut bien être las d'attendre.
Nous parlons mais on se refuse à nous entendre,
Nous protestons ? Les argousins
Se lancent contre nous armés de casse-têtes
Et nous frappent, avec la fureur qu'ont les bêtes,
Et que n'ont pas les assassins !

L'ordre ayant triomphé voici libre la rue.
Les fronts sont assombris et la foule est émue,
Tant pis ! respect reste à la loi.
Bismark l'a dit un jour et Grévy le répète :
Le riche est protégé ; le pauvre, on le rejette,
Car le sabre prime le droit !

Ainsi nous avions cru voir se lever l'aurore
De plus heureux destins, et qu'il allait éclore
De nos suprêmes volontés
Des choses dont nos cœurs s'émerveillaient d'avance.
Nous nous réjouissions ! mensongère espérance,
Les ganaches nous sont restés.

Que faire, si ce n'est de suivre de Louise
Les conseils. Celle-là nous parle avec franchise
Lorsqu'elle nous crie : en avant !
L'ombre de sa prison semble la suivre encore,
Et cependant sa voix n'en est pas moins sonore,
Et son geste reste puissant.

Louise, c'est le vrai clairon de nos batailles,
Clairon vengeur, sonnant les justes représailles
Que n'entendent pas sans effroi
Les rapaces bourgeois, ces fleurs de jésuitisme,
Emmaillotés dans un faux républicanisme,
Triple traitres sans foi ni loi.

Et tout, tout ce qui touche au pouvoir : juges, prêtres,
Ministres, président, députés, et les reîtres,
Ces vieilles culottes de peau ;
Et tous ces affamés, tous des budgétivores,
Tous ces politiciens grincheux, multicolores,
Ces sauteurs qu'on dirait du veau :

Rangés autour de la marmite nationale,
Se gavant et niant la question sociale
Demeureraient donc impunis ?
Louise sonnera le glas des funérailles
De ces ventripotents. Assez de leurs ripailles,
Compagnons, sus aux ennemis !

Louise a débrouillé tous les fils d'Ariane.
Qu'elle soit donc pour nous l'invincible Marianne !
Quand nous sommes la Légion,
Que par elle conduite au champ de la victoire
Sur nos oppresseurs morts nous puissions crier gloire,
Gloire à la Révolution !

Jehan de l'Ours, 1886

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Ballade en l'honneur de Louise Michel

Madame et Pauline Roland,
Charlotte, Théroigne, Lucile,
Presque Jeanne d'Arc, étoilant
Le front de la foule imbécile,
Nom des cieux, cœur divin qu'exile
Cette espèce de moins que rien
France bourgeoise au dos facile,
Louise Michel est très bien.

Elle aime le Pauvre âpre et franc
Ou timide, elle est la faucille
Dans le blé mûr pour le pain blanc
Du Pauvre, et la sainte Cécile
Et la Muse rauque et gracile
Du Pauvre et son ange gardien
A ce simple, à cet indocile.
Louise Michel est très bien.

Gouvernements de maltalent,
Mégathérium ou bacille,
Soldat brut, robin insolent,
Ou quelque compromis fragile,
Géant de boue aux pieds d'argile,
Tout cela son courroux chrétien
L'écrase d'un mépris agile.
Louise Michel est très bien.

Envoi
Citoyenne ! votre évangile
On meurt pour ! c'est l'Honneur ! et bien
Loin des Taxil et des Bazile,
Louise Michel est très bien.

Paul Verlaine, 1888

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Louise Michel

Louise, c'est l'impersonnelle
Image du renoncement.
Le « moi » n'existe plus en elle ;
Son être est tout au dévouement.
Pour ce cœur vaste et secourable,
Ivre de solidarité,
Le seul air qui soit respirable,
C'est l'amour de l'Humanité.

On la condamne : elle défie
Son juge, féroce et pourri.
Qu'importe, à qui se sacrifie
Le poteau noir de Satory ?
A ses bourreaux, près de la tombe,
Elle parle fraternité.
Que lui fait la mort ? Elle tombe,
Pour l'amour de l'Humanité.

On la déporte: Elle ne souffre
Que pour ceux, près d'elle blottis :
Combien doit pleurer, dans ce gouffre,
Le père, éloigné des petits !
Captive auguste, elle ne pense,
Qu'aux frères en captivité.
Leurs blessures, elle les panse,
Pour l'amour de l'Humanité.

On l'amnistie : elle se lève
Et revient, le front calme et doux.
Grave et lente, sa voix s'élève
Et son cœur parle parmi nous.
De son repos faisant litière,
Bravant le pouvoir irrité,
Elle se donne tout entière,
Pour l'amour de l'Humanité.

On l'emprisonne : Comme au bagne,
Elle règne par la douceur,
La proxénète est sa compagne ;
La prostituée est sa sœur ;
De la voleuse elle est complice ;
Aux froides sœurs de charité
Elle parle de la Justice,
Pour l'amour de l'Humanité.

Une brute, sur elle tire
(Bien mieux qu'Aubertin sur Ferry)
Mais, loin de poser au martyre,
Elle s'arrête, puis sourit :
« C'est à moi ! Qu'on me l'abandonne ! »
Dit-elle, « qu'il soit acquitté !
Il s'est trompé ; je lui pardonne,
Pour l'amour de l'Humanité. »

Plus d'un la traite, en vrai Jocrisse,
D'« hystérique », journellement.
Crétins ! folle de sacrifice !
Hystérique de dévouement !
Ecrivains aux longues-oreilles,
Jadis, Plutarque eût souhaité
Beaucoup d'héroïnes pareilles,
Pour l'honneur de l'Humanité !

Jules Jouy, 1888

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La Vierge des opprimés (1)

I
Dans tous les temps, des gens sans âmes
Ont raillé gaiement à foison
De vrais martyrs, hommes et femmes,
Dans l'exil ou dans la prison,
Jadis, la horde détraquée
Des sots qui fourmillent partout,
Traitait Jeanne d'Arc de toquée
Et Christophe Colomb de fou !

Refrain
Respect à la SINISTRE FOLLE
Terreur des bourgeois alarmés.
LA ROUGE VIERGE DU PÉTROLE (bis)
C'est la Vierge des opprimés ! (bis)

II
Dans cet enfer qui la vit naître,
Louise apprit, en grandissant,
La devise : NI DIEU NI MAÎTRE
Si chère au peuple tout puissant.
Dans la lutte qui nous appelle
Pour conquérir l'Egalité,
On peut ne pas penser comme elle,
Mais qu'on l'honore en vérité.
Au refrain

III
Elle n'a pas, cette héroïne,
Dans un moment de désarroi,
Par une vision divine
Sauvé sa Patrie et son roi !
On la voit sans cesse à toute heure
Quand le danger est menaçant,
Pour l'exploité qui souffre et pleure
Toujours prête à verser son sang !
Au refrain

IV
Pour elle, il n'est point de frontières,
Tous les gueux doivent être unis ;
Partout, les peuples sont des frères ;
Les oppresseurs, ses ennemis.
Voilà les crimes de l'infâme
Que l'on persécute ici-bas…
Tyrans, torturez cette femme,
Mais au moins ne l'insultez pas !
Au refrain

Jean-François Gonon

(1) Dans une autre version, deux vers ont été changés sans modifier le sens. Nous avons repris la version que Gaetano Manfredonia livre dans « Libre ! Toujours ! », Atelier de création libertaire, Lyon, 2011.

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Aux gavés

Vous dites qu'elle est folle et vous avez raison
Elle est folle à lier, dédaignant tout pour elle ;
Son esprit n'a qu'un but, son cœur qu'un horizon,
Le sort du malheureux absorbe tout son zèle.

On ne dira jamais que, manquant à l'honneur,
Elle ait fait ici-bas une œuvre intéressée ;
Sa folie est bien douce ; elle hait l'oppresseur,
Et combattre le mal est sa seule pensée.

Quand elle voit souffrir une femme, un enfant,
Que le gîte est sans pain et l'homme sans ouvrage,
La folle se dépouille et, miracle touchant,
A ces désespérés elle rend le courage.

L'histoire est incarnée en ce noble cerveau,
Du peuple elle connaît les injustes tortures ;
La folle s'offrirait avec joie au bourreau
Pour vaincre la misère et guérir ses blessures.

Traitez-la donc de folle, ô cyniques poltrons,
Et vivez grassement dans vos riches demeures ;
Elle vous crie à tous : « Sous les simples haillons,
J'ai toujours rencontré les natures meilleures. »

Hippolyte Raullot, 1890

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Pour Louise Michel

La grande Humanité n'est pas plus grande qu'Elle
Oubliant ses misères Elle voit plus cruelle
Union prostituée par l'argent – ce fléau –
Imbue de cette idée, Elle combat Très-Haut
Se basant sur les maux engendrés par l'Idole
Et n'aimant que le Beau sans plus aucune obole

Méchants sont pardonnés par Sa compréhension
Instinctive des faits qui font mauvaise action
Cette femme anarchiste, puisque niant la loi,
Harmonise les listes qui sont de bon aloi.
Elle personnifie toutes les qualités
Larges et qui font fi de toute absurdité.

E. J. Villeméjane, 1904

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