La Marseillais de la paix (1841)
Alphonse de Lamartine

Roule libre et superbe entre tes larges rives,
Rhin, Nil de l’Occident, coupe des nations !
Et des peuples assis qui boivent tes eaux vives
Emporte les défis et les ambitions !

Il ne tachera plus le cristal de ton onde,
Le sang rouge du Franc, le sang bleu du Germain ;
Ils ne crouleront plus sous le caisson qui gronde,
Ces ponts qu’un peuple à l’autre étend comme une main !
Les bombes et l’obus, arc-en-ciel des batailles,
Ne viendront plus s’éteindre en sifflant sur tes bords ;
L’enfant ne verra plus, du haut de tes murailles,
Flotter ces poitrails blonds qui perdent leurs entrailles,
Ni sortir des flots ces bras morts !

Roule libre et limpide, en répétant l’image
De tes vieux forts verdis sous leurs lierres épais,
Qui froncent tes rochers, comme un dernier nuage
Fronce encor les sourcils sur un visage en paix !

Ces navires vivants dont la vapeur est l’âme
Déploiront sur ton cours la crinière du feu ;
L’écume à coups pressés jaillira sous la rame ;
La fumée en courant lèchera ton ciel bleu.
Le chant des passagers, que ton doux roulis berce,
Des sept langues d’Europe étourdira tes flots,
Les uns tendant leurs mains avides de commerce,
Les autres allant voir, aux monts où Dieu te verse,
Dans quel nid le fleuve est éclos.

Roule libre et béni ! Ce Dieu qui fond la voûte
Où la main d’un enfant pourrait te contenir,
Ne grossit pas ainsi ta merveilleuse goutte
Pour diviser ses fils, mais pour les réunir !

Pourquoi nous disputer la montagne ou la plaine ?
Notre tente est légère, un vent va l’enlever ;
La table où nous rompons le pain est encor pleine,
Que la mort, par nos noms, nous dit de nous lever !
Quand le sillon finit, le soc le multiplie ;
Aucun œil du soleil ne tarit les rayons ;
Sous le flot des épis la terre inculte plie :
Le linceul, pour couvrir la race ensevelie,
Manque-t-il donc aux nations ?

Roule libre et splendide à travers nos ruines,
Fleuve d’Arminius, du Gaulois, du Germain !
Charlemagne et César, campés sur tes collines,
T’ont bu sans t’épuiser dans le creux de leur main.

Et pourquoi nous haïr, et mettre entre les races
Ces bornes ou ces eaux qu’abhorre l’œil de Dieu ?
De frontières au ciel voyons-nous quelques traces ?
Sa voûte a-t-elle un mur, une borne, un milieu ?
Nations, mot pompeux pour dire barbarie,
L’amour s’arrête-t-il où s’arrêtent vos pas ?
Déchirez ces drapeaux ; une autre voix vous crie :
« L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie ;
La fraternité n’en a pas ! »

Roule libre et royal entre nous tous, ô fleuve !
Et ne t’informe pas, dans ton cours fécondant,
Si ceux que ton flot porte ou que ton urne abreuve
Regardent sur tes bords l’aurore ou l’occident.

Ce ne sont plus des mers, des degrés, des rivières,
Qui bornent l’héritage entre l’humanité :
Les bornes des esprits sont leurs seules frontières ;
Le monde en s’éclairant s’élève à l’unité.
Ma patrie est partout où rayonne la France,
Où son génie éclate aux regards éblouis !
Chacun est du climat de son intelligence ;
Je suis concitoyen de tout homme qui pense :
La vérité, c’est mon pays ! (…)

Extrait de Choix de poésies. Pages contre la guerre, Editions de L’Avenir social,
Epône, 1921, pp. 113-115. Version complète sur Wikisource.

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La Marseillaise de la paix (1878)
Pasteur Martin Paschoud

Allons, enfants de la patrie,
Le jour de gloire est arrivé,
De la Paix, de la Paix chérie,
L’étendard brillant est levé ! (bis)
Entendez-vous vers nos frontières,
Tous les peuples ouvrant leurs bras,
Crier à nos braves soldats :
Soyons unis, nous sommes frères !

Plus d’armes, citoyens, rompez vos bataillons !
Chantez,
Chantons !
Et que la Paix féconde nos sillons !

Pourquoi ces fusils, ces cartouches ?
Pourquoi ces obus, ces canons ?
Pourquoi ces cris, ces chants farouches,
Ces fiers défis aux nations ? (bis)
Pour nous, Français, oh quelle gloire,
De montrer au monde dompté,
Que les droits de l’humanité
Sont plus sacrés que la victoire !

Plus d’armes, etc.

Et quoi ! les horreurs de la guerre,
Les larmes, le deuil et la mort
Inonderaient encor la terre,
Et nous jetteraient loin du port ! (bis)
Grand Dieu ! que nos mains homicides
Ne se rougissent plus de sang !
L’homme en tous lieux est ton enfant :
Epargnons-nous des fratricides !

Plus d’armes, etc.

Serrez vos rangs, nobles cohortes,
Travailleurs des champs, des cités,
Avec transport ouvrez vos portes
Aux trésors, fruits des libertés ! (bis)
Que le fer déchire la terre !
Pour le bonheur, pour le progrès !
Le simple artisan de la Paix
Vaut mieux que le foudre de guerre.

Plus d’armes, etc.

Sur des ailes de feu lancées,
Poètes, écrivains, savants,
Au monde envoyez la Pensée !
Du monde soyez conquérants ! (bis)
Partagez ce saint héritage,
Prouvez ainsi votre valeur !
Le vaincu bénit le vainqueur ;
Ce sont les combats de notre âge !

Plus d’armes, etc.

Source : Gallica.

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La Marseillaise de la paix (1892)
Paul Robin et les élèves de Cempuis

I
De l’universelle patrie
Puisse venir le jour rêvé
De la paix, de la paix chérie
Le rameau sauveur est levé (bis)
On entendra vers les frontières
Les peuples se tendant les bras
Crier : il n’est plus de soldats !
Soyons unis, nous sommes frères.

Refrain
Plus d’armes, citoyens !
Rompez vos bataillons !
Chantez, chantons,
Et que la paix
Féconde nos sillons !

II
Quoi ! d’éternelles représailles
Tiendraient en suspens notre sort !
Quoi, toujours d’horribles batailles
Le pillage, le feu, et la mort (bis)
C’est trop de siècles de souffrances
De haine et de sang répandu !
Humains, quand nous l’aurons voulu
Sonnera notre délivrance !
Au refrain

III
Plus de fusils, plus de cartouches,
Engins maudits et destructeurs !
Plus de cris, plus de chants farouches
Outrageants et provocateurs (bis)
Pour les penseurs, quelle victoire !
De montrer à l’humanité,
De la guerre l’atrocité
Sous l’éclat d’une fausse gloire.
Au refrain

IV
Debout, pacifiques cohortes !
Hommes des champs et des cités !
Avec transport ouvrez vos portes
Aux trésors, fruits des libertés (bis)
Que le fer déchire la terre
Et pour ce combat tout d’amour,
En nobles outils de labour
Reforgeons les armes de guerre.
Au refrain

V
En traits de feu par vous lancée
Artistes, poètes, savants
Répandez partout la pensée,
L’avenir vous voit triomphants (bis)
Allez, brisez le vieux servage,
Inspirez-nous l’effort vainqueur
Pour la conquête du bonheur
Ce sont les lauriers de notre âge.
Au refrain

Source : James Guillaume, un itinéraire, « “La Marseillaise de la paix”.
Chanson interprétée à l’orphelinat de Cempuis (1892) »

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La Marseillaise des travailleurs (1874)
Paroles de Charles Keller
Musique de Jacques Glady (James Guillaume)

I
Ouvrier, la faim te tord les entrailles
Et te fait le regard creux,
Toi qui, sans repos ni trêve, travailles
Pour le ventre des heureux.
Ta femme s’échine, et tes enfants maigres
Sont des vieillards à douze ans ;
Ton sort est plus dur que celui des nègres
Sous les fouets abrutissants.

Refrain
Nègre de l’usine,
Forçat de la mine,
Ilote du champ,
Lève-toi peuple puissant ;
Ouvrier, prends la machine !
Prends la terre, paysan !
Ouvrier, prends la machine !
Prends la terre, paysan !

II
Paysan, le sol que ton bras laboure
Rend son fruit dans sa saison,
Et c’est l’opulent bourgeois qui savoure
Le plus clair de ta moisson.
Toi, du jour de l’an à la Saint Sylvestre,
Tu peines pour engraisser
La classe qui tient sous son lourd séquestre
Ton cerveau fait pour penser.
Au refrain

III
Mineur, qui descends dès l’aube sous terre,
Et dont les jours sont des nuits,
Qui, le fer en main, dans l’air délétère,
Rampes au fond de ton puits,
Les riches trésors que ton pic arrache
Aux flancs des rocs tourmentés
Vont bercer là-haut l’oisif et le lâche
Dans toutes les voluptés.
Au refrain

IV
Qui forge l’outil ? Qui taille la pierre ?
Qui file et tisse le lin ?
Qui pétrit le pain ? Qui brasse la bière ?
Qui presse l’huile et le vin ?
Et qui donc dispose, abuse et trafique
De l’œuvre et du créateur ?
Et qui donc se fait un sort magnifique
Aux dépens du producteur ?
Au refrain

V
Qu’on donne le sol à qui le cultive,
Le navire au matelot,
Au mécanicien la locomotive,
Au fondeur le cubilot,
Et chacun aura ses franches coudées.
Son droit et sa liberté,
Son lot de savoir, sa part aux idées,
Sa complète humanité !
Au refrain

Source : James Guillaume, un itinéraire, « “La Jurassienne”.
Paroles de Charles Keller, musique de Jacques Glady
alias James Guillaume (1874) »

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La Marseillaise noire (1865) (1)
Louise Michel

La nuit est courte et fugitive,
En avant, tenons-nous la main
Garde à toi, citoyen, qui vive
Républicain, républicain.
Entendez-vous les cris d’alarme ?
Ecoutez gémir le tocsin,
Lève-toi peuple, aux armes, aux armes.

Passons, passons les mers, passons les noirs vallons,
Passons, passons,
Passons ; que les blés mûrs tombent dans les sillons.

Entendez-vous tonner l’airain ?
Arrière, celui qui balance
Le lâche trahira demain.
Passons, vivante Marseillaise
Souffle par l’orage emporté
Allons, semant la liberté
Sur les monts et sur la falaise.

Gloire aux martyrs, honneur aux braves,
Aux armes tous les cœurs vaillants,
Ah ! plutôt mourir qu’être esclaves.
Disons sous les glaives sanglants
Dans les cachots, partout sans crainte
Honte à qui craindrait les tourments
Vive la république sainte.

La république universelle
S’élève dans les cieux ardents
Couvrant les peuples de son aile
Comme une mère ses enfants.
A l’Orient blanchit l’aurore,
L’aurore du siècle géant,
Debout peuple, sois fort et grand
Debout, pourquoi dormir encore.

Tremblez renégats et [...]
Pour vous nos fusils sont chargés
Et dans vos phalanges impures
Il en est bien qui sont jugés.
Alors comme un affreux mirage
Devant vous surgira l’image
De tous nos frères égorgés.

Ô ma république adorée
Lève-toi, surgis en tout lieu
Ô mes amours, Vierge sacrée
Qu’il est beau ton drapeau de feu.
Découvrez-vous tous, place, place
Méchants, plus de vœux superflus
A genoux, vainqueurs et vaincus
C’est la république qui passe.

(1) L’absence de ponctuation de ce texte rendait sa lecture difficile,
nous avons donc choisi d’y remédier.

Sources : Jardins de Papounet, « Louise Michel - La légende républicaine »

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La Marseillaise noire (1867)
Camille Naudin

Fils d’Africains, tristes victimes,
Qu’un joug absurde abrutissait.
De monstres oubliant les crimes,
Pensons à Jésus qui disait :
Pensons à Jésus qui disait :
« Peuples, plus de sang, plus de guerre
« Qui font rougir l’humanité,
« Moi je suis la Fraternité,
« Embrassez-vous, vous êtes frères. »
Debout ! L’heure est venue, à chaque travailleur
Le pain, le pain qu’il a gagné, qu’importe sa couleur.

Assez longtemps ! le fouet infâme
De ses sillons nous a brisés,
Sans nom, sans patrie et sans âme,
Assez de fers ! De honte, assez !
Assez de fers ! De honte, assez !
Que dans une sainte alliance
Les noirs et les blancs confondus à la mort des anciens abus,
Marchant tous pleins de confiance,
Debout ! L’heure est venue, à chaque travailleur
Le pain, le pain qu’il a gagné, qu’importe sa couleur.

Debout ! C’est l’heure solennelle !
Où, sur le vieux monde écroulé,
Le despotisme qui chancelle
Vient couronner la Liberté,
La discorde reprend sa pomme,
La raison humaine grandit ;
C’est l’intelligence et l’esprit
Et non plus la peau qui fait l’homme.
Debout ! L’heure est venue, à chaque travailleur
Le pain, le pain qu’il a gagné, qu’importe sa couleur.

Plus d’ombre ! partout la lumière,
C’est l’évangile qui paraît ;
Le Blanc dit au Noir : mon frère, à jamais Caïn disparaît
Plus de sang ! L’impie ignorance,
Arme terrible du tyran
Aux peuples s’entredéchirant,
Ne dit plus : mort, sang et vengeance.
Debout ! L’heure est venue, à chaque travailleur
Le pain, le pain qu’il a gagné, qu’importe sa couleur.

Allons ! malgré votre race,
Hommes de couleur, unissez-vous,
Car le soleil luit pour tous.
Que chaque peuple heureux, prospère,
Au fronton de l’humanité,
Grave ces mots : « En toi j’espère,
Tu règneras, Egalité ».

Source : Louisiana Anthology, « Camille Naudin. “La Marseillaise noire [Chant de paix]” ».

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La Marseillaise des requins (1911)
Gaston Couté

Allez ! petits soldats de France
Le jour des poir’s est arrivé.
Pour servir la Haute Finance
Allez vous en là-bas crever ! (bis)
Tandis qu’au cœur de la fournaise
Vous tomb’rez, une balle au front,
De nos combin’s nous causerons
En fredonnant la « Marseillaise » !

Aux Armes, les enfants ! formez vos bataillons,
Marchez ! marchez ! nous récolt’rons
Dans le sang, des sillons !

Allez ! guerriers pleins de courage,
Petits fils de la liberté,
Allez réduire en esclavage
De pauvr’s Arbis épouvantés ! (bis)
Dans leurs douars, que le canon tonne
Plus fort que le tonnerr’ d’Allah :
Nous align’rons pendant c’temps-là,
Des chiffres en longues colonnes !

Allez-y ! qu’ les cadavr’s s’entassent
Par centaines et par milliers,
Que la plaine où les balles passent
N’soit plus qu’un immense charnier ! (bis)
D’vant l’récit de tout’s ces misères,
En ouvrant le journal de d’main,
Nous song’rons, nous frottant les mains :
« Ça n’biche pas trop mal, les affaires ! »

Allez ! si les autres voraces,
Si tous les requins d’Outre-Rhin,
Font en c’moment un’ sal’ grimace
Ça n’nous défris’ pas l’moindre brin (bis)
Un’ nouvelle guerre ? on s’en fout, puisque
C’est vous qui marcheriez encor
Pour défendre nos coffres-forts
Alors ! franch’ment, NOUS qu’est-c’qu’on risque ?

Nous entrerons dedans la place
Après que vous n’y serez plus :
Nous y trouverons vos carcasses
Près des carcasses des vaincus ! (bis)
Et sur les tombes toutes proches,
Se r’joignant à deux pieds dans l’sol
Avec l’or du meurtre et du vol
Nous emplirons froid’ment nos poches !

Source : Chant de lutte et révolution, « La Marseillaise des requins ».

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La Marseillaise des calotins (1905)
Panurge

I
Allons, Enfants de nos calottes,
Nos derniers jours sont arrivés.
L’appui d’ la Ligu’ des Patriotes
N’y peut rien : nous sommes coulés ! (bis)
Oui, jusqu’au fond de nos villages,
Où tout le monde au temps jadis
Nous étaient humblement soumis,
Nous perdons des tas de suffrages !
Mettons-nous à genoux, faisons des oraisons !
Prions, prions avec ardeur tous les saints, nos patrons !

II
Amour sacré de mère Egise,
Conduis nos congrégations !
Que toujours il les fanatise
Et dirige nos élections ! (bis)
Nous reverrons des jours de gloire
Quand l’orage sera passé :
Le bon Dieu qui veut nous lâcher
Un jour nous rendra la victoire !
Mettons-nous à genoux, faisons des oraisons !
Prions, prions avec ardeur tous les saints, nos patrons !

III
Nous rentrerons au ministère
Quand les gauchers n’y seront plus.
Gare alors à nos adversaires :
Ils seront flambés et fichus ! (bis)
Pour exercer des représailles,
Nul, certes, n’est plus fort que nous.
Faudra qu’ils disparaissent tous,
Les gueux, ces affreuses canailles !
Mettons-nous à genoux, faisons des oraisons !
Prions, prions avec ardeur tous les saints, nos patrons !

Publiée dans Les Corbeaux n° 1, 2 avril 1905, p. 7, Gallica.

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La Marseillais des libres penseurs (1888)
Anonyme

Soldats de la Libre pensée,
Debout à son salut veillons :
Contre nous, l’Eglise insensée
Lève encore ses noirs bataillons ! (bis)
Entendez-vous leurs voix étranges ?
Leurs anathèmes furieux ?
Et leurs défis audacieux,
A nos généreuses phalanges ?

Allons, libres penseurs, à l’œuvre ! Travaillons !
Luttons ! (bis) contre l’infâme et ses noirs bataillons !

Que veut, ivre d’intolérance,
Le monde impur des confesseurs ?
Il veut nous rendre à l’ignorance,
Nous, les vrais fils de ses vainqueurs ! (bis)
Il veut à son gré nous conduire,
Nous imposer ses vieilles loi,
Et foulant aux pieds tous nos droits,
Au servage il veut nous réduire !

Allons, libres penseurs, à l’œuvre ! Travaillons !
Luttons ! (bis) contre l’infâme et ses noirs bataillons !

Source : Marseillaise, Marseillaises. Anthologie des différentes adaptations
depuis 1792
, textes rassemblés par Chantal Georgel et Robert Delbart,
préf. de Madeleine Rebérioux, Ligue des droits de l’Homme - Le Cherche Midi, Paris, 1992.

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La Marseillaise des libres penseurs (1885)
Louis Ragot

Soldats de la libre pensée,
A son salut, debout veillons :
Contre nous, de Rome insensée,
Sont dressés les noirs bataillons. (bis)
Entendez-vous leurs cris étranges ?
Leurs chants de guerre furieux ?
Et leurs défis audacieux
A nos lumineuses phalanges ?

Allons, libres penseurs ! libres penseurs, allons !
Jurons (bis) haine éternelle à tous les prêtraillons !

Que voudraient ces gens d’un autre âge ?
Ces détracteurs du temps nouveau !
Ils voudraient, dans leur folle rage,
De l’esprit rompre le niveau ! (bis)
Ils voudraient étouffer l’idée,
A la raison dire : Tais-toi !
Nous imposer leur vaine foi,
Nous mesurer à leur coudée !

Hommes de cœur, hommes sincères,
Ne subissons pas cet affront :
Répondons à nos adversaires,
Haut le regard et haut le front (bis)
Quoi ! le cafard et le jésuite,
Quoi ! des Freppel et des de Mun,
Des Chênelong, des Lucien Brun,
Nous verraient marcher à leur suite !

Vous qu’elle exploite, qu’elle abuse,
Connaissez cette faction :
Ce n’est que mensonge, que ruse,
Qu’orgueil, intrigue, ambition : (bis)
Que contrainte à la conscience,
Que menace à la liberté,
Qu’outrage à notre dignité
Et qu’insulte à la tolérance !

Combien ils ont fait de victimes,
Avec le fer, avec le feu !
Combien ils ont commis de crimes,
Au nom d’un invisible dieu ! (bis)
Mais ils sont seuls, seuls responsables
Des maux terribles qu’ils ont faits.
Ils se sont couverts de forfaits
Qui les ont rendus exécrabes !

Amour de la libre pensée,
Remplis nos cœurs, soutient nos voix !
Raison sainte, auguste offensée,
Avec nous, combats pour tes droits ! (bis)
Que ton beau règne arrive au monde !
Que les peuples, les nations,
Libres de superstitions,
Progressent dans ta paix féconde !

Allons, libres penseurs ! libres penseurs, allons !
Jurons (bis) haine éternelle à tous les prêtraillons !

Source : BNF, dépôt légal, Imp. E. Jamin, Laval, 1885.

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La Marseillaise anticléricale (1881)
Léo Taxil

I
Allons ! Fils de la République,
Le jour du vote est arrivé !
Contre nous de la noire clique
L’oriflamme ignoble est levée. (bis)
Entendez-vous tous ces infâmes
Croasser leurs stupides chants ?
Ils voudraient encore, les brigands,
Salir nos enfants et nos femmes !

Refrain
Aux urnes, citoyens, contre les cléricaux !
Votons, votons et que nos voix
Dispersent les corbeaux !

II
Que veut cette maudite engeance,
Cette canaille à jupon noir ?
Elle veut étouffer la France
Sous la calotte et l’éteignoir ! (bis)
Mais de nos bulletins de vote
Nous accablerons ces gredins,
Et les voix de tous les scrutins
Leur crieront : « A bas la calotte ! »
Au refrain

III
Quoi ! Ces curés et leurs vicaires
Feraient la loi dans nos foyers !
Quoi ! Ces assassins de nos pères
Seraient un jour nos meurtriers ! (bis)
Car ces cafards, de vile race,
Sont nés pour être inquisiteurs...
A la porte, les imposteurs !
Place à la République ! Place !
Au refrain

IV
Tremblez, coquins ! Cachez-vous, traîtres !
Disparaissez loin de nos yeux !
Le Peuple ne veut plus des prêtres,
Patrie et Loi, voilà ses dieux (bis)
Assez de vos pratiques niaises !
Les vices sont vos qualités.
Vous réclamez des libertés ?
Il n’en est pas pour les punaises !
Au refrain

V
Citoyens, punissons les crimes
De ces immondes calotins,
N’ayons pitié que des victimes
Que la foi transforme en crétins (bis)
Mais les voleurs, les hypocrites,
Mais les gros moines fainéants,
Mais les escrocs, les charlatans…
Pas de pitié pour les jésuites !
Au refrain

VI
Que la haine de l’imposture
Inspire nos votes vengeurs !
Expulsons l’horrible tonsure,
Hors de France, les malfaiteurs ! (bis)
Formons l’union radicale,
Allons au scrutin le front haut :
Pour sauver le pays il faut
Une chambre anticléricale.
Au refrain

Source : Wikipédia, « La Marseillaise anticléricale ».

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La Nouvelle Marseillaise des mineurs (1891)
(ou « L’Election de Basly »)
Séraphin Cordier

I
Debout, mineurs ! levez la tête,
Haut vos cœurs si longtemps blessés !
Les patrons vont payer leur dette,
Haut les bras, vieux lutteurs usés. (bis)
Au service de vos vampires !
Le jour va luire de bonheur,
De la liberté, ô mineurs,
Nos frères ! le jour va enfin luire !

Refrain
Courage, les mineurs ;
Espoirs, séchons nos pleurs ;
Basly (1), Basly nous défendra,
Basly nous vengera.

II
Lorsque malgré notre courage,
La force, hélas ! nous a quitté ;
Avec un rire – lâche outrage –
On nous a collé sur le pavé. (bis)
Il faut pour nos vieilles années,
Un refuge, du feu, du pain ;
Faudra-il donc crever la faim,
Quand nos force seront usées ?
Au refrain

III
Le patron dit : Mineur, cloporte,
Chair à grisou, claque des dents,
Etouffe, meurs… Eh ! que m’importe,
A toi la mort, à moi l’argent. (bis)
Ton fils a faim ?… le mien engraisse,
Tu es malade ? moi je vais bien ;
Ta femme est morte de chagrin ?
Fais comme moi, prends des maîtresses !
Au refrain

IV
Mais c’est par trop de turpitude,
Lamendin (2) releva le gant.
Rien ne l’arrêta : lassitude,
Trahisons, labeur écrasant. (bis)
Rien ne rebuta sa constance,
Il l’avait dit, il a vaincu ;
Basly, par les mineurs élu,
Là-bas prépare la revanche.
Au refrain

V
Tous deux savent notre misère,
Comme nous tous ils ont pleuré.
Ils sauront bien venger leurs frères ;
Ils le feront, ils l’ont juré. (bis)
Mais leur fortune est notre ouvrage,
Ils sont élus par l’ouvrier ;
Qu’ils se gardent de l’oublier,
Qu’ils ne forfaient point à leur tâche.
Au refrain

(1) Emile Basly (1854-1928), syndicaliste mineur puis responsable syndical,
est élu député dans le Pas-de-Calais en 1891 et le restera pendant trente-sept ans.
En tant que parlementaire, il œuvrera pour améliorer la condition des mineurs.
Devenu maire de Lens à partir de 1900, il deviendra peu à peu un notable, surnommé
le « Tsar de Lens ». Benoît Broutchoux (1879-1944, biographie), anarchiste et syndicaliste
révolutionnaire, s’opposera à son réformisme avec le Jeune Syndicat des mineurs.
(2) Arthur Lamendin (1852-1920), mineur et syndicaliste, licencié pour faits
de grève, il devient secrétaire général du syndicat des mineurs du Pas-de-Calais.
Député socialiste de 1892 à 1919, il est élu maire de Liévin en 1905 et s’attache
à l’amélioration de la vie des ouvriers et à la gestion de sa cité.

Source : Chants de luttes, « La Nouvelle Marseillaise des mineurs ».

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La Marseillaise
Léo Ferré

J’connais un’ grue sur le Vieux Port
Avec des dents longu’s comm’ la faim
Et qui dégraf’ tous les marins
Qu’ont l’âme chagrine et le cœur d’or
C’est à Marseille que j’vais la voir
Quand le soleil se fout en tweed
Et que l’mistral joue les caïds
C’est à Marseille qu’ell’ traîn’ le soir
Elle a des jupes à embarquer
Tous les chalands qui traîn’nt la nuit
Et des froufrous qui font tant d’bruit
Qu’on les entend au bout du quai
Il suffit d’y mettre un peu d’soi
C’est un’ putain qu’aime que la braise
Et moi j’l’appelle la Marseillaise
C’est bien le moins que je lui dois
Arrête un peu que j’vois
Si tu fais l’poids
Et si j’en aurai pour mon fric
Arrête un peu que j’vois
Si les étoiles couchent avec toi
Et tu m’diras
Combien j’te dois

J’connais un’ grue dans mon pays
Avec les dents longu’s comm’ le bras
Et qui s’tapait tous les soldats
Qu’avaient la mort dans leur fusil
C’est à Verdun qu’on peut la voir
Quand les souv’nirs se foutent en prise
Et que l’vent d’est pose sa valise
Et qu’les médaill’s font le trottoir
Elle a un’ voix à embarquer
Tous les traîn’-tapins qu’elle rencontre
Et il paraît qu’au bout du compte
Ça en fait un drôl’ de paquet
Il suffit d’y mettre un peu d’soi
Au fond c’est qu’un’ chanson française
Mais qu’on l’appell’ la Marseillaise
Ça fait bizarr’ dans ces coins-là
Arrête un peu que j’vois
Si t’as d’la voix
Si j’en aurais pour mes galons
Arrête un peu que j’vois
Et puis qu’j’abreuve tous vos sillons
Et j’vous dirai
Combien ça fait

J’connais un’ grue qu’a pas d’principes
Les dents longu’s comme un jour sans pain
Qui dégrafait tous les gamins
Fumant leur vie dans leur cass’-pipe
C’est dans les champs qu’ell’ traîn’ son cul
Où y a des croix comm’ des oiseaux
Des croix blanch’s plantées pour la peau
La peau des autr’s bien entendu
Cell’-là on peut jamais la voir
A moins d’y voir les yeux fermés
Et l’périscop’ dans les trous d’nez
Bien allongé sous le boul’vard
Suffit d’leur filer quat’ bouts d’bois
Et d’fair’ leur lit dans un peu d’glaise
Et d’leur chanter la Marseillaise
Et d’leur faire un’ bell’ jambe de bois
Arrête un peu tes cuivres
Et tes tambours
Et ramèn’ moi l’accordéon
Arrête un peu tes cuivres
Que je puiss’ finir ma chanson
Le temps que j’baise Ma Marseillaise

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La Marseillaise de la Commune
Mme Jules Faure, née de Castellane

Français, ne soyons plus esclaves !,
Sous le drapeau, rallions-nous.
Sous nos pas, brisons les entraves,
Quatre-vingt-neuf, réveillez-vous.
Quatre-vingt-neuf, réveillez-vous.
Frappons du dernier anathème
Ceux qui, par un stupide orgueil,
Ont ouvert le sombre cercueil
De nos frères morts sans emblème.
Refrain
Chantons la liberté,
Défendons la cité,
Marchons, marchons, sans souverain,
Le peuple aura du pain.

Depuis vingt ans que tu sommeilles,
Peuple français, réveille-toi,
L’heure qui sonne à tes oreilles,
C’est l’heure du salut pour toi.
C’est l’heure du salut pour toi.
Peuple, debout ! que la victoire
Guide au combat tes fiers guerriers,
Rends à la France ses lauriers,
Son rang et son antique gloire.
Au refrain

Les voyez-vous ces mille braves
Marcher à l’immortalité,
Le maître a vendu ses esclaves,
Et nous chantons la liberté.
Et nous chantons la liberté.
Non, plus de rois, plus de couronnes,
Assez de sang, assez de deuil,
Que l’oubli dans son froid linceul
Enveloppe sceptres et trônes.
Au refrain

Plus de sanglots dans les chaumières
Quand le conscrit part du foyer ;
Laissez, laissez, les pauvres mères
Près de leurs fils s’agenouiller.
Près de leurs fils s’agenouiller.
Progrès ! que ta vive lumière
Descende sur tous nos enfants,
Que l’homme soit libre en ses champs,
Que l’impôt ne soit plus barrière.
Au refrain

N’exaltez plus vos lois nouvelles,
Le peuple est sourd à vos accents,
Assez de phrases solennelles,
Assez de mots vides de sens.
Assez de mots vides de sens.
Français, la plus belle victoire,
C’est la conquête de tes droits,
Ce sont là tes plus beaux exploits
Que puisse enregistrer l’histoire.
Au refrain

Peuple, que l’honneur soit ton guide,
Que la justice soit tes lois,
Que l’ouvrier ne soit plus avide
Du manteau qui couvrait nos rois.
Du manteau qui couvrait nos rois.
Que du sien de la nuit profonde
Où l’enchaînait la royauté,
Le flambeau de la Liberté
S’élève et brille sur le monde !
Au refrain

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