La chanson du Père Duchesne

[La « Chanson du Père Duchesne » dont les parolier et compositeur sont inconnus était répandue parmi les anciens communards et les anarchistes. Mais c’est Ravachol (1859-1892) qui, la chantant au pied de l’échafaud, la rendit célèbre. Pour l’anecdote, il fut interrompu à la fin du sixième couplet. Depuis, on la retrouve sous les titres : « L’bon dieu dans la merde », « Chant de guillotine de Ravachol » ou encore « La Ravachole ». Cette version est celle éditée par l’« imprimerie spéciale du “Père Peinard” ». A noter l’absence de majuscule à Dieu, choix que nous avons respecté.]

 

 

I
Né en nonante-deux,
Nom de dieu !
Mon nom est Pèr’ Duchesne.
Né en nonante-deux,
Nom de dieu !
Mon nom est Pèr’ Duchesne.
Marat fut un soyeux (1),
Nom de dieu !
A qui lui porte haine,
Sang-dieu !
Je veux parler sans gêne,
Nom de dieu !
Je veux parler sans gêne.

II
Coquins, filous, peureux,
Nom de dieu !
Vous m’appelez canaille.
Coquins, filous, peureux,
Nom de dieu !
Vous m’appelez canaille.
Dès que j’ouvre les yeux,
Nom de dieu !
Jusqu’au soir je travaille,
Sang-dieu !
Et je couch’ sur la paille,
Nom de dieu !
Et je couch’ sur la paille.

III
On nous promet les cieux,
Nom de dieu !
Pour toute récompense,
On nous promet les cieux,
Nom de dieu !
Pour toute récompense,
Tandis que ces messieurs,
Nom de dieu !
S’arrondissent la panse,
Sang-dieu !
Nous crevons d’abstinence,
Nom de dieu !
Nous crevons d’abstinence.

IV
Pour mériter les cieux,
Nom de dieu !
Voyez-vous ces bougresses,
Pour mériter les cieux,
Nom de dieu !
Voyez-vous ces bougresses,
Au vicair’ le moins vieux,
Nom de dieu !
S’en aller à confesse,
Sang-dieu !
Se fair’ p’loter les fesses,
Nom de Dieu !
Se fair’ p’loter les fesses.

V
Quand ils t’appellent gueux,
Nom de dieu !
Sus à leur équipage,
Quand ils t’appellent gueux,
Nom de dieu !
Sus à leur équipage,
Un pied sur le moyeu,
Nom de dieu !
Pour venger cet outrage,
Sang-dieu !
Crache-leur au visage,
Nom de dieu !
Crache-leur au visage.

VI
Si tu veux être heureux,
Nom de dieu !
Pends ton propriétaire,
Si tu veux être heureux,
Nom de dieu !
Pends ton propriétaire,
Coup’ les curés en deux,
Nom de dieu !
Fous les églis’ par terre,
Sang-dieu !
Et l’bon dieu dans la merde,
Nom de dieu !
Et l’bon dieu dans la merde.

VII
Peuple trop oublieux,
Nom de dieu !
Si jamais tu te lèves,
Peuple trop oublieux,
Nom de dieu !
Si jamais tu te lèves,
Ne sois pas généreux,
Nom de dieu !
Patrons, bourgeois et prêtres,
Sang-dieu !
Méritent la lanterne,
Nom de dieu !
Méritent la lanterne.

(1) Utilisé sans doute dans le sens qui présente les caractères de la soie (brillant, légèreté, douceur). On trouve aussi dans certaines versions : « Marat fut généreux ».

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