Le 2 janvier 1999, André Arru choisit de mourir, refusant de « se voir lentement déposséder (…) de ses moyens physiques et mentaux (…), [d’]entrer vivant dans le néant ». Ainsi s’achève à 87 ans une vie bien remplie, que relate cet ouvrage écrit par sa compagne et un ami. Jean-René Saulière, car tel était son vrai nom, connaît une enfance assez triste, abandonné par sa mère à ses grands-parents, obligé de gagner sa vie à 15 ans. Sa découverte de Sébastien Faure et sa rencontre avec un individualiste libertaire va rapidement l’amener à fréquenter le salon de coiffeur des frères Lapeyre, un des hauts lieux anars du Bordeaux des années 30. Vient la guerre et sa décision de s’insoumettre, de devenir André Arru et de rejoindre Marseille. Il faut vivre, se construire une nouvelle identité et, en pleine Occupation, oser monter un groupe anarchiste clandestin avec Voline et des camarades réfugiés. Propagande par affiches, tracts, brochures, fabrication de faux papiers, obstination aussi à maintenir les liens entre camarades dispersés. A la fin de la guerre, il s’agit de reconstituer le mouvement libertaire et de le faire vivre, avec les difficultés que l’on connaît. André, militant libre penseur, se dépensa également sans compter en ce domaine. « Individualiste solidaire », il a toujours eu le souci extrême de mettre en concordance ses idées et ses actes. Apportant un éclairage personnel sur certains événements de l’histoire du mouvement anarchiste, cette biographie se termine par des annexes très complètes et très instructives.
« Jean-René Saulière dit André Arru. Un individualiste solidaire (1911-1999) », Sylvie Knœrr-Saulière et Francis Kaigre, (16 x 22), Les Amis d’André Arru-Libre Pensée autonome/CIRA de Marseille, Marseille, 416 p., 21 euros.