La réédition en brochure de ce plaidoyer en faveur de la franc-maçonnerie nous permet de retrouver la truculence et la paillardise de « frère » Léo. C’est particulièrement vrai dans la nouvelle préface de Michel Champendal. Le débat sur les anarchistes et la franc-maçonnerie a longtemps agité nos milieux (en annexe, une de ces confrontations). Certains avançaient que des anarchistes n’avaient rien à faire dans ce « syndicat de magouilleurs », où se complaisent politiciens, militaires et magistrats de tout poil. Le culte grotesque de l’apparat et du secret, le goût pour le compromis en irritent beaucoup. D’autres, et pas des moindres, avancent que la maçonnerie est « terre de mission », que l’éclectisme, l’idéal de solidarité, de tolérance, et l’intérêt pour les confrontations philosophiques de ce regroupement ne peuvent qu’attirer les libertaires. Léo Campion, chansonnier de son état, disparu en 1992 à 87 ans, passe donc en revue une riche cohorte de maçons anarchistes. Jugez du peu… Proudhon, Bakounine (un temps), les frères Reclus, Louise Michel, Sébastien Faure, Francisco Ferrer, Paul Robin, les Laisant, Voline, Gaston Leval et bien d’autres ont uni le « drapeau noir à l’équerre et au compas ». Il se livre aussi à quelques digressions instructives et dépeint avec bonheur le milieu anarchiste bruxellois des années 30. Une organisation humaine aussi persécutée par les pouvoirs, les religions, les fascismes (rouge et brun) ne peut pas être foncièrement nuisible à la liberté, à l’égalité et à la solidarité.
« Le Drapeau noir, l’équerre et le compas. Les maillons libertaires de la chaîne d’union », Léo Campion, 16 x 22, Editions Alternative libertaire, Oléron, 104 p., 10 euros.